L'art des données
Explorer les émotions à travers l'art procédural et l'art des données
J’ai longtemps travaillé en peinture. Je cherchais, sous une forme expressionniste, à traduire des états d’être. Dès le début de mon parcours à la maitrise en arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal, en 2018, cherchant à comprendre ce qui me motivait, j’ai décidé de problématiser la notion d’émotion qui traverse mes préoccupations artistiques et d’en faire le cœur même de ma recherche.
J’aborde le sujet des émotions par le biais de deux approches volontairement non émotives : l’art processuel et l’art des données. Depuis l’automne 2019, je procède quotidiennement à une cartographie de mon état affectif. Chaque jour, j’examine une liste de 64 groupes de mots (hésitation, culpabilité, espoir, etc.) et j’indique l’ampleur de chacun des états évoqués tel que je les ressens au moment de la cueillette des données. Je traduis ensuite ces données en œuvre visuelle numérique. Le choix des couleurs associées aux mots, ainsi que leur degré de transparence (lié à l’intensité de l’état), est établi en fonction d’un protocole précis et invariable. C’est par la superposition de carrés de couleur codifiée que se construit chaque image quotidienne.
Les images ainsi créées ne sont pas une représentation du ressenti émotif; elles en constituent un précipité, la capture de traces évanescentes comme autant de signes abstraits formant la trame d’un journal intime. Par ce processus, je tente moins de transposer mon vécu personnel que le caractère insaisissable des émotions, en permettant aux sens d’en reconnaitre les infinies variations.